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Selon Philippe Moati, l’alimentaire « entre dans un modèle de services »

Le commerce de demain sera numérique et sur mesure. Plutôt que de vouloir contrer cette tendance, le monde agricole doit s’y préparer et trouver de nouvelles stratégies de commercialisation.

Demain, on ne consommera plus comme aujourd’hui. De nouveaux modes de consommation émergent, les attentes sont de plus en plus segmentées, le numérique envahit le quotidien. « Plutôt que de se faire encore déstabiliser par ces changements, il faut les comprendre et se préparer à y répondre » conseille Philippe Moati, président de l’observatoire Société et consommation, aux adhérents du CER France Brocéliande, lors de leur assemblée générale.

L’annonce de « mise en ménage » de Monoprix et Amazon est un signe de plus que les nouveaux circuits de distribution rimeront avec e-commerce. « Jusqu’à présent, l’alimentaire avait été épargné face au coût du dernier kilomètre, l’acheminement au client restant prohibitif », explique Philippe Moati. Mais comme le consommateur veut faire ses achats en ligne et se faire livrer, les géants du e-commerce s’engouffrent sur ce marché. La grande distribution s’y met pour sauver ses parts de marché.

« On entre dans un modèle de services, de sur-mesure, note l’économiste, par exemple avec des abonnements directement auprès d’un industriel d’un produit que vous consommez régulièrement (des couches, des rasoirs) ». S’il empiète sur le commerce traditionnel, le numérique a aussi changé les rapports de force. Les consommateurs partagent leurs avis, de nouveaux leaders d’opinion émergent. « Il n’y a que 3% de végétariens et 0,4% de vegans, rassure l’économiste. Mais on les entend beaucoup. En revanche, 84 % des français considèrent l’élevage intensif comme condamnable moralement. »

Cette attente vis-à-vis du bien-être animal rejoint une tendance de fond à vouloir des produits bons, au goût, pour sa santé et la planète. « Il y a des marchés à développer, estime Philippe Moati. Si on prouve la qualité de notre produit, sa « naturalité », le consommateur peut payer plus cher. »

Innover plutôt que craindre

Face à l’hyper concurrence, il faut savoir innover. « Les super et hypermarchés perdent des parts de marché face aux discounters mais aussi à d’autres formes de commerce, comme la vente directe, les petits commerçants spécialisés. Les clients ne veulent pas tous que des prix bas, ils veulent des services, acheter des produits qui leur ressemblent, qui portent des valeurs. C’est une chance à saisir pour le monde agricole. Reprenez la main sur la communication autour de vos produits », encourage l’économiste.

Pour aller dans cette stratégie de différenciation, certaines enseignes misent sur leurs marques propres. Comme Picard le leader du surgelé. « Aux Etats-Unis, Amazon a sa propre marque alimentaire. C’est une façon de proposer d’autres produits et de passer outre les grandes marques. »

Même si les géants du e-commerce ne sont pas connus pour leur grande générosité, il peut y avoir des opportunités pour les filières agricoles de nouer de nouveaux partenariats et de sortir d’un modèle où l’unique débouché est la grande distribution. Déjà se mettent en place des « market place », ces plateformes qui mettent directement en relation des consommateurs et des fabricants, comme une centrale d’achat virtuelle, allégée des frais de stockage.

C’est donc la fin du modèle unique « grandes surfaces » qui se dessine. « Le consommateur peut aussi bien aller vers du e-commerce pour se simplifier le quotidien et continuer à fréquenter des petits commerçants, des agriculteurs qui font de la vente directe pour des produits sur lesquels il veut une qualité spécifique comme les fruits et légumes », conclut Philippe Moati. Et d’encourager les agriculteurs à entrer dans les nouvelles modèles de distribution pour s’affranchir de la grande distribution. Déjà des plateformes de commercialisations, des drives fermiers fleurissent.
 

Ci-dessous, l’économiste Philippe Moati lors de son intervention lors de l’assemblée générale du CER France Brocéliande.

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