monnaie romaine normandie

Le musée expose le trésor trouvé par un ouvrier agricole

Insolite mais vrai ! En nettoyant son terrain, un ouvrier agricole du Cotentin a trouvé 14 528 pièces de monnaie romaines. La ville de Caen a acheté son trésor pour compléter les collections du musée de Normandie. Un jackpot de 18 000 euros !

Il y a des jours comme ça… Où la vie vous sourit, ou l’on se trouve au bon endroit au bon moment. Cet ouvrier agricole du Cotentin (il préfère conserver l’anonymat, mais a accepté de témoigner pour les lecteurs de WikiAgri) se souviendra toute sa vie de ce dimanche d’avril 2011 : « Je loue des terres près de chez moi pour élever quelques moutons. Elles appartiennent à ma famille depuis des générations. Ce jour-là, je nettoyais une parcelle encombrée de vieilles ferrailles. Certains déchets dataient de la seconde guerre mondiale, du temps de ma grand-mère… A un moment, j’ai aperçu une culasse de moteur enfouie dans la terre. Je pensais pouvoir la dégager à la pelle donc heureusement je n’ai pas tracté. En creusant à une quarantaine de centimètres, j’ai alors vu des trucs verdâtres, assez étranges. Je me suis approché, et sur le coup, je n’y ai pas cru… »

14528 pièces romaines, alliage de cuivre et d’argile, sagement rangées dans un vase en céramique ! Passé le choc, on imagine son euphorie… « Avec mes enfants, on faisait des galipettes dans le champ, on était trop content ! D’autant plus qu’on s’intéresse beaucoup à l’histoire dans la famille. Je savais qu’il y avait une borne romaine à quelques kilomètres mais je n’aurais jamais imaginé trouver des vestiges chez moi. On a tout laissé en place pour ne rien abîmer. »

Dans les règles de l’art

Ne sachant pas trop qui contacter, il appelle une tante conseillère municipale dans un village voisin, qui le renvoie vers une amie de sa fille. « Elle faisait des études d’archéologie donc elle m’a tout de suite mis en relation avec la Drac pour que je déclare ma découverte. Le soir même, elle est venue photographier le trésor. Elle n’y croyait pas non plus et un de ses profs est même venu le mercredi suivant. C’est très rare de découvrir un dépôt de pièces non profané. » Effectivement, en termes d’importance, c’est le troisième trésor trouvé dans la partie occidentale de l’Empire romain.

L’heureux découvreur n’en revient toujours pas : « On aurait dit que ce dépôt m’attendait depuis 1700 ans… Je n’ai pas eu beaucoup de chance dans ma vie, et ce coup de pouce du destin nous a bien aidés. Je me demande si nous laisserons quelque chose d’aussi beau de notre époque… Mais j’en doute fortement », songe-t-il.

En tout cas, « son attitude a été remarquable », félicite Jean-Marie Levesque, directeur du musée de Normandie (Caen) qui regrette que « souvent, les gens posent l’objet sur leur cheminée et le déclarent des années plus tard. Malheureusement, on a perdu le lien avec le contexte d’origine, donc l’intérêt scientifique est moindre ». Ou pire : beaucoup le revendent rapidement sans en informer les autorités, et l’histoire de l’objet disparait…

Une sorte de compte courant

Le centre d’archéologie de l’Université de Caen a procédé à des fouilles supplémentaires sur le terrain, et étudié ces pièces du IVe siècle après JC. On sait donc désormais ce que ce magot faisait là : il s’agissait d’une sorte de « compte courant » pour régler les dépenses journalières d’un particulier économe. En tout et pour tout, ces 40 kilogrammes de monnaie représentaient seulement quelques années de soldes d’un légionnaire. Aucun vestige de maçonnerie n’a été identifié autour de la cache, mais les prospections archéologiques ont dévoilé une villa romaine à proximité, inconnue au bataillon. Cela indique que ce pot était une cachette en bordure de la propriété. En étudiant la façon dont les pièces étaient rangées, ainsi que les traces de textiles laissées sur les pièces, les chercheurs ont déduit que des petits sacs de monnaie étaient fréquemment enlevés et ajoutés dans les vases. « Ce sont des économies utilisées pour les besoins quotidiens. Les banques n’existaient pas. Pour éviter les vols, on achetait des terres, des biens matériels ou on cachait sa fortune. Il faut dire qu’à l’époque, la monnaie jouait un rôle moins important qu’aujourd’hui car les échanges se faisaient par le troc », précise Jean-Marie Levesque.

Au IVe siècle, l’empire Romain est consolidé et l’empereur Constantin décide de déprécier la monnaie en émettant des monnaies de bronze. Comme beaucoup de ses concitoyens, notre avare a donc mis de côté ces pièces en alliage pour thésauriser.

Autre piste de recherche : la monnaie colportait aussi les nouvelles de l’empire. Les pièces étaient un instrument de propagande : on y trouvait bien sûr l’effigie de l’empereur, mais aussi des informations sur ses faits d’arme et les nouvelles importantes. Qui sait si des feuilletons inédits ne figurent pas sur les pièces du Cotentin ?! « La moitié des pièces ont été déjà nettoyées, et pour l’instant, ce ne sont que des doublons de pièces que l’on a déjà recensées. Mais on ne sait jamais », sourit le directeur du musée.

En 2015, la ville de Caen a acheté le trésor 18 000 euros pour le musée de Normandie, sachant que l’inventeur (celui qui découvre l’objet archéologique) et le propriétaire du terrain sont propriétaires à part égale de l’objet archéologique.  

Déclarer son trésor pour lui donner une vraie valeur

Les inventeurs ont tout intérêt à déclarer leur objet aux services archéologiques préfectoraux (à défaut, la mairie ou la gendarmerie), comme l’exige la loi sur le patrimoine. A noter : un particulier n’a pas le droit de creuser délibérément pour trouver un vestige. « C’est le cas de certains amateurs de patrimoine, passionnés mais maladroits qui vont faire des dégâts sur les sites sans le vouloir. Il existe aussi des pillards, qui se déplacent comme des charognards avec leurs détecteurs de métaux après les fouilles scientifiques. Ils pillent tout ce qu’ils peuvent et le revendent à l’étranger, notamment par des filières en Belgique », déplore Jean-Marie Levesque. Or, tout objet archéologique trouvé dans le sol français a le statut de trésor national et ne peut donc en aucun cas sortir du territoire.

Après la déclaration, le propriétaire a encore l’obligation de prêter l’objet pendant trois ans pour réaliser son étude scientifique. Cette expertise va renforcer la valeur de l’objet puisqu’elle atteste de l’origine. Il vaut donc mieux jouer le jeu !

L’avare et le voleur

Le musée de Normandie vient aussi d’ajouter  à ses collections un second dépôt monétaire… mais d’un tout autre type : « Ces pièces d’argent ont été trouvées dans l’Orne, également par un particulier. Elles datent du IIIe siècle. C’est une période de crise car l’empire Gaulois est en sécession. On pense que ce butin a été caché par un fonctionnaire qui piquait dans la caisse », explique le directeur du musée.

Les deux trésors font l’objet d’une exposition temporaire puis rejoindront cet hiver la collection gallo-romaine du musée.

 

En savoir plus : http://musee-de-normandie.caen.fr (site du musée) ; http://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/768/reader/reader.html?t=1466007422909#!preferred/0/package/768/pub/769/page/10 (un article de Ouest-France sur l’exposition au musée).

La photo ci-dessous a été fournie par le musée de Normandie, elle est signée « PM Guihard Craham« .

2 Commentaire(s)

  1. c est un trésor une nouvelle déterrée depuis 5 ans ( 2011)
    quelle idée peut-on avoir du journalisme

  2. gege37 : déterré il y a 5 ans, et exposé aujourd’hui. L’article journalistique s’adresse à ceux qui lisent l’ensemble de l’information. 🙂 Bon dimanche à vous.

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