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La Creuse anticipe le changement climatique pour son agriculture jusqu’en 2040

La Chambre d’agriculture de la Creuse a embauché un climatologue pour une expérience unique : étudier le climat des décennies précédentes pour en tirer des indicateurs, puis réaliser des projections réalistes pour les 40 prochaines années. L’objectif est d’adapter les cultures aux variations climatiques.

Le changement climatique est une certitude et certaines conséquences sont déjà visibles. Alors, les adaptations seront nécessaires au niveau agricole pour conserver la viabilité des exploitations. C’est en partant de ce postulat que la Chambre d’agriculture de la Creuse a préféré prendre les devants en embauchant un climatologue, Vincent Cailliez.

Sa première mission a été de recueillir des milliers de données en plusieurs points du département afin de concevoir une méthode et établir des indicateurs. A chaque indicateur correspond une documentation que chaque conseiller de la Chambre, répartis sur le territoire, possède. Ces derniers sont donc aptes à renseigner les exploitants sur la meilleure stratégie à mettre en place pour leurs cultures. Objectif : ne pas lutter contre l’irréversible changement climatique mais observer et s’adapter.

Anticiper les 5, 10, 20 ans à venir

Vincent Cailliez, qui a conduit ces études, explique que « la volonté n’est pas de s’occuper de la saison en cours. Ce n’est pas une stratégie pour une ferme. Il s’agit de réfléchir à 5, 10, 20 ans pour s’adapter à l’événement climatique, surtout quand on le considère dans des investissements à long terme. On a réalisé des projections jusqu’en 2040 en Creuse. Ça ne servirait à rien d’aller au-delà. »

Le premier constat est que le changement climatique prend une forme plutôt linéaire depuis les années 1980. « Le changement a déjà commencé mais la mise en mouvement se fait de façon progressive. » Alors, tout le travail de Vincent Cailliez a consisté à « sortir d’une vision globale pour élaborer des indicateurs simples et utilisables pour les agriculteurs. C’est un sujet d’agronomie, pas d’écologie. Il faut s’adapter aux coûts qui sont engendrés par le changement climatique et permettre aux agriculteurs de travailler au mieux dans les prochaines années. »

Des pratiques agricoles qui devront évoluer

En Creuse, la plupart des exploitations agricoles relèvent des bovins viande extensif. Une bonne connaissance de la pousse de l’herbe pour les stocks de fourrage est un atout majeur. C’est pour cette raison qu’un bon tiers des fiches élaborées par le climatologue est lié à des indicateurs sur l’herbe. Mais on en trouve aussi sur le maïs, les céréales et quelques dérobés. Grâce à plusieurs données dont les sommes de températures, on peut savoir à partir de quel moment on peut mettre les animaux au pré. En terme économique, on préserve d’autant le stock de fourrage. 

Les conclusions de cette étude montre que le printemps est la saison qui connaît les plus grandes fluctuations de températures. Les bêtes pourront être mises aux champs de façon anticipée, mais la quantité d’herbe pourrait se tarir plus tôt dans l’été à cause d’un déficit hydrique. C’est donc toute la gestion des stocks de fourrage qui est à repenser avec, en parallèle, des besoins hivernaux plus faibles.

De la même manière, certaines céréales qui n’étaient pas adaptées au climat creusois vont pouvoir être plantées avec la nouvelle donne climatique. On parle même de pieds de vigne ! Pour les céréales, « le principal risque mis en évidence réside dans le phénomène d’échaudage au moment de la phase de remplissage du grain. Une des pistes d’adaptation serait de raccourcir le cycle de végétation » explique la perspective à 2040 pour la Creuse, préconisant « un choix variétal utilisant des variétés à épiaison plus précoce ».

 

Exemple de fiche technique résumée

Tendances observées et projections jusqu’en 2040 pour le département de la Creuse concernant le maïs

> Baisse des précipitations en avril-mai : les précipitations diminueront de 10 à 15 % en 30 ans à cette période. En conséquence, l’implantation des cultures de printemps sera plus facile si les précipitations sont moins abondantes. Pour la culture du maïs, il sera envisageable d’implanter plus précocement des variétés avec des indices plus élevés pour viser plus de rendement, sous réserve de précipitations suffisantes en été.

> Evolution rapide des températures de juin à août : intensité de l’échaudage ; le nombre de jours avec dépassement du seuil de 32°C va augmenter de 5 jours sur l’ensemble du département, excepté la zone sud de la Creuse où il s’accroît de 2 jours.

> Températures moyennes en augmentation : évolution de gamme : par décennie, les températures moyennes vont augmenter de 0,5° C. En conséquence, à indice de précocité équivalent, l’augmentation des températures estivales aura un effet sur la durée du cycle végétatif avec un avancement de la date des récoltes. Les phénomènes d’échaudage risquent d’augmenter avec pour conséquence une hausse de la proportion de grains dans la plante entière.

> Augmentation sensible des précipitations en septembre-octobre-novembre : répartition des périodes sèches à la récolte : en 30 ans, les précipitations vont augmenter de 20 à 30% sur le département. Les précipitations automnales comblent le déficit du printemps et de l’été, le nombre de périodes d’au moins 5 jours sans pluie a tendance à baisser. En conséquence, la diminution des périodes sans pluie aura un impact négatif sur le ressuyage et la portance des sols. Il sera nécessaire de saisir les opportunités, moins fréquentes, de récolter le maïs.

 

Ci-dessous, Vincent Cailliez, climatologue embauché par la Chambre d’agriculture de la Creuse pour proposer des pistes d’adaptation aux agriculteurs locaux.

4 Commentaire(s)

  1. Et si il n’y avait pas de vrais changements climatiques ??? Hormis la hausse de quelques degrés de températures ??? Ne mobilisons pas trop d’énergie la dedans … Lorsqu’l’on reprend les météos anciennes, on retrouve des similitudes…Il y a eu des hivers doux…Lorsque mes parents ont migré du nord en 1957, ils ont semé des blés en Poitou Charente jusqu’à Noel et obligation de passer les rouleaux sur les semis pour faire lever…

  2. J’aimerais beaucoup que le Changement Climatique soit une chimère. Même si ça m’oblige à une reconversion professionnelle (je suis le climatologue de l’article), je serai heureux que mes enfants et mes petits-enfants n’aient pas à vivre dans un climat qui se décale vers le nord de 100 à 150km tous les 10 ans…
    Je pense qu’une des difficultés de perception du Changement Climatique est liée à la définition classique du climat, à base de moyenne trentenaire. Or, le climat ça n’est pas que la moyenne, c’est aussi la distribution autour de cette moyenne et désormais les deux bougent rapidement. Disons que le plus important n’est pas qu’un événement se soit déjà produit par le passé mais plutôt l’évolution de sa probabilité d’apparition. Pour ne prendre que l’exemple de la canicule de 2003 que j’ai étudié spécifiquement, sa probabilité vis à vis du critère de la moyenne estivale des températures maximales avait été estimée à 1/140 par Météo-France dans son rapport de 2004, en supposant que le climat n’avait pas significativement évolué depuis le débuts des relevés météorologiques. J’ai repris le calcul en tenant compte de l’évolution qui s’était déjà produite jusqu’en 2003 et je trouve 1/35. Si on le refait avec le climat-type de 2015, on trouve 1/18 et avec le climat-type de 2040 (en prolongation d’observation sans aucune accélération), on trouve 1/7.
    Hélas, ce dernier calcul est optimiste car la grande inertie du Changement Climatique (Shakun, 2012), le relargage de la chaleur emmagasinée par le Pacifique (Douville, 2015) et les politiques de qualité de l’air des pays émergents (Boucher, 2015) impliqueront une très probable accélération de l’évolution climatique dans les premières décennies à venir.
    Une grande moitié Sud de notre pays est en phase de méditerranéisation rapide et irréversible (en partie grandissante), croyez-bien que je le regrette.

  3. @ CAILLIEZ Vincent

    Quid du palier de T° stationnaires depuis 18-20 ans?

    Il est souvent rappelé en matière de climat de parler de globalité pour la Terre pas seulement un épisode caniculaire à un endroit précis et pire de faire des projections qu’à partir de celui-ci…

    Si la Chambre de la Creuse psychote avec le RC qu’elle aille voir ce qui se pratique dans le sud de la France, ça coûtera moins cher!

    Enfin avant que les creusois envisagent de faire de l’huile d’olive il y a peut-être d’autres urgences, non? Que de caracoler sur un hypothétique réchauffement et à échéance aussi lointaine, 100 ans et plus…

    Une climato-réaliste

  4. Il est probable que le climat soit en train de changer.
    Ces dernières années étaient vraiment atypiques par rapport à ce qu’on a connu par le passé.
    Si ce « réchauffement » est du à l’activité humaine, on peut se dire que nous pourrons peut-être avoir une action pour y remédier (à moins que les choses deviennent irréversibles).
    Si le changement n’est pas du à l’homme mais à une autre cause (déplacement du système solaire dans la galaxie, activité du soleil, …),
    alors c’est plus grave car nous ne pourrons que subir.
    Dans notre partie tempérée de l’hémisphère nord nous avons de la marge pour nous adapter.
    Dans les pays autour du Sahara, c’est une autre problématique qui se pose, avec peut de moyens pour trouver des solutions, dans un contexte où les difficultés sont déjà grandes pour les agriculteurs.

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