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Engrais, les industries de la fertilisation au plus mal

Amorphe avant l’été, le climat des affaires vire à la tragédie. Les industriels de la fertilisation font face à la chute des commandes d’engrais passées par les agriculteurs français sans précédent.

Les agriculteurs boudent les engrais. Avec des prix des céréales au plus bas depuis deux ans et des monnaies dévaluées dans de nombreux pays émergents, les paysans n’ont pas toujours la trésorerie nécessaire pour financer leur prochaine campagne et pour acheter, en particulier, les quantités d’engrais nécessaires pour ne pas compromettre leurs récoltes de 2017 et des années suivantes.

Les dévaluations des monnaies de certains pays ont été plus fortes que la baisse des prix des engrais, ce qui renchérit au final le coût de leurs importations. Si bien qu’avec un marché atone au niveau mondial, les marges des industriels de la fertilisation sont réduites à peau de chagrin. Pourtant les prix en dollars des éléments fertilisants (P, K) tendent vers leur niveau de 2010.

« Le climat des affaires renforce les tensions entre les concurrents. En Chine, le renchérissement récent du prix du charbon pénalise la production d’urée. Aux prix de ventes actuels, des usines de fabrication ferment alors que la demande d’urée se redresse. En Egypte, le prix du gaz importé renchérit les coûts de production du fertilisant mais la forte dévaluation de la monnaie améliore au final la compétitivité de cette origine », analyse Alban Fontaine d’Agritel. 

Pour la potasse, le nouveau conglomérat nord-américain concurrence les fabricants biélorusses et russes et surtout, renforce l’organisation oligopolistique du secteur.  Il exerce une pression sur les prix des marchés. Mais l’approvisionnement européen n’est pas menacé.

Une chute de commandes d’engrais sans précédent

En France, le climat des affaires vire à la tragédie. Comme pour les céréaliers, les fabricants sont victimes d’une double peine. Les industriels de la fertilisation font face à la chute des commandes d’engrais passées par les agriculteurs français sans précédent. Elles baissent de 50 % pour les amendements minéraux basiques et de 30 % pour le P et le K, selon l’Union nationale des industriels de la fertilisation (Unifa). Après une campagne catastrophique, de nombreux céréaliers renoncent à acheter des engrais potassiques et phosphatés faute de moyens nécessaires. Des unités de production fonctionnent au ralenti voire ferment. Des mesures de chômage partiel ont déjà été prises.

« Il faut donner aux agriculteurs les moyens financiers de redémarrer, dans de bonnes conditions, et de faire des achats d’engrais », explique Dominique Weber, président de l’Unifa. Mais la conjoncture actuelle des marchés n’augure aucun redressement des cours dans les mois à venir et par ricochet, une reprise de l’activité des agro-fournisseurs. Pour 2017, les agriculteurs aspirent d’abord à le retour à des rendements proche de la normale pour redresser un tant soit peu leur situation. Mais sans des prix rémunérateurs, le chemin sera long.

L’achat d’engrais doit redevenir une priorité. Sans apports conséquents de P et de K, le potentiel agronomique des sols s’altère. Dans des pays comme la France où les rendements dépassent les 80 quintaux, voire les 100 quintaux par hectare, les exportations massives d’éléments fertilisants appauvrissent très vite le sol les doses d’engrais épandus ne couvrent pas les exportations annuelles de minéraux.

« En 2009 déjà, les céréaliers avaient rencontré des difficultés similaires. L’engorgement des marchés mondiaux avait fait effondrer les prix des céréales en dollars et surtout en euros. Mais cette année, les producteurs français doivent à la fois faire face à la fois à un contexte de prix bas et à de mauvais rendements qui impactent directement leur revenu », explique Alban Fontaine d’Agritel. Le déficit de trésorerie pour financer la campagne est estimé à 700 € par hectare.

Dans les pays où les objectifs de rendements avoisinent les 30 quintaux de céréales par hectare, un moindre recours aux engrais n’a pas d’incidence immédiate. En Russie et en Ukraine, et même en Amérique du Nord, ce sont d’abord les conditions climatiques qui conditionnent les rendements céréaliers.

Au début de l’été en France, rien de présageait un tel désastre. « Alors que les perspectives de production pour 2016 étaient au beau fixe, les livraisons d’engrais azotés au mois de juin ont augmenté sur un an pour le deuxième mois consécutif (+ 4 %), souligne la dernière note de conjoncture Agreste d’octobre dernier. « Grâce à cette nouvelle hausse, les livraisons de la campagne 2015/16 ne reculaient que de 0,3 % par rapport à la campagne précédente. Les prix ont de leur côté poursuivi leur repli (- 5,3 %), à un rythme plus soutenu qu’en mai 2016. Sur un an, la baisse s’est également accélérée (- 16,6 %). »

« En ce début de campagne 2016/2017, les livraisons de phosphate étaient  supérieures à celles de la campagne précédente : + 18 % entre juin 2015 et 2016 et + 17 % sur les deux premiers mois de la campagne, mentionne encore le ministère. A l’inverse, les livraisons de potasse sont en recul de 25 % sur un an, et de 32,5 % sur les deux premiers mois de la campagne. » 

Une baisse structurelle

En fait, la crise accentue la baisse tendancielle de la consommation d’engrais constatée depuis plus de 40 ans. Les livraisons ont été divisées par quatre en P et en K car les apports d’engrais sont maitrisés et les besoins des plantes en matières fertilisantes sont mieux connus. Mais le désinvestissement menace les régions les plus productives.

En azote, les livraisons stagnaient depuis quelques années. Mais ces dernières semaines les commandes passées refluent aussi. Toutefois les agriculteurs tentent de ne pas sacrifier ce poste de charges car un apport déficitaire en nitrates pénalise immédiatement les rendements des cultures.

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